Lorsque je veux me définir honnêtement, je ne sais trouver d'autres termes que ceux-ci:
JE SUIS UN ECRIVAIN.
Je n'ai jamais été publiée, c'est un fait, cela ne signifie pas que je ne suis pas un écrivain. Cela signifie simplement que je n'ai pas établi de lien entre le commerce et ma créativité. Etre reconnu en tant qu'écrivain me serait agréable, pas seulement pour flatter mon égo, mais parce que je suis convaincue que mes livres peuvent provoquer des émotions à ceux qui les lisent, et que, l'expression artisitique, quelle qu'en soit sa forme est à la fois une nécessité vicérale "d'exprimer", et une possibilité de faire partager cette expression.
Des artistes écrivent, peignent, sculptent, composent, tout en restant dans l'anonymat le plus complet, cela ne signifie pas qu'ils ne sont pas des artistes. Simplement, ils ne gagnent pas d'argent avec leurs oeuvres... De là à dire que si l'on n'est pas connu: on n'existe pas ; ou si nos oeuvres ne sont pas des produits commercialisables : on n'est pas artiste.... Je l'ai trop souvent entendu et je dois bien avouer que cela m'irrite au plus haut point! Et je suis polie! Surtout si l'on est assez critique pour voir ce qui "se fait" actuellement. Je ne renie pas le talent de ceux qui en sont pourvu et qui sont reconnu. Je constate que ce n'est pas le talent ou la qualité qui sont des critères de succès: ce sont les bénéfices financiers qu'un "produit" peut rapporter. Je préfère n'être pas à vendre, je ne peux pas faire de compromis avec ce que j'écris ou avec ce que je pense. J'ai passé presque la moitié de ma vie à forger Pohl.K., je ne m'amputerai pas de mon essence vitale pour des royalties. Honni soit qui mal y pense!
Mes premiers écrits datent de ... dès que j'ai su écrire! Je ressentais comme une nécessité d'inscrire - pour ne pas les oublier- les images qui me hantaient dans mes rêves. Entre 7 et 10 ans, les images qui revenaient le plus souvent étaient celles d'incendies gigantesques et de corps démembrés. Et puis j'ai découvert que je pouvais écrire mes émotions, les couleurs de la forêt, les personnages que j'y rencontrais - et qui pour moi faisaient (et font toujours) partie d'une réalité, celle d'un autre monde, souterrain...
1982: "Cliché Sensible"
Le premier livre que j'ai écrit ressemble à un portrait, il comporte de nombreuses illustrations, et constitue un parallèle entre l'oeuvre de Nietzsche et "l'épopée" de Ziggy Stardust, du Thin White Duke et de "l'homme qui a vendu le monde"...Oeuvre de jeunesse, au style pompeux, je dois bien l'admettre! Mais, un livre abouti, au fond de l'étagère d'une de mes bibliothèques. J'y tiens, car il est le premier, écrit avec la passion et la certitude qui m'animaient à cette époque.
1983: "Lord Banthe"
Premier roman. La tranformation d'une jeune femme, qui par admiration pour Lord Banthe basculera dans le fanatisme. Personnage "marginal", la jeune femme vit "dans la rue", perd la notion de son propre être, et suit le chemin de l'autodestruction dans une violence exponentielle. L'usage de l'alcool et des drogues, les automutilations, l'ascension vers la folie, constituent la trame du roman.
1986: "La Peau d'Ocre"
Second roman, la plume trempée dans le venin de la destruction ! L'héroïne est une danseuse de rue, qui séduit les hommes par sa docilité apparente, joue sa vie selon les tirages d'un jeu de mah-jong, et brise les hommes qu'elle séduit en se détruisant elle-même. Elle entretien un amour avec une autre femme, mais sa propre destruction est inévitable, sa fin constitue sa victoire, le couronnement de sa volonté à rendre le mal .
1993: "Les Anges déçus"
Découpage de l'enfance au scalpel! Autrefois, on appelait les "avorteuses" des "faiseuses d'anges". Paule est née, elle a résisté aux assauts des aiguilles qui voulaient la déloger du ventre de sa mère. Son père et sa mère refusaient l'idée d'avoir un enfant, de guerre lasse, ils ont fini par se faire à l'idée qu'ils auraient un fils, un brave, un soldat, un gaillard robuste, bref: la relève pour épouser "la cause". Cette cause constituait l'objectif de la vie de Louis, et Judith, en épousant Louis avait épousé la cause. A la naissance de leur enfant, ils sont dévastés: Paul n'est pas un garçon, Paul n'est pas un robuste gaillard, Paul est Paule, petit morceau de chair tremblante, incapable de se nourir, faible, au pronostic vital plus incertain. Mais, lorsque Louis a une idée en tête, aussi controversable qu'elle puisse être: son idée demeure!
Portrait d'une famille en ruine, d'un père tyranique, d'une femme soumise animée d'un sentiment de culpabilité (elle a pu échaper au wagon blindé qui a emporté toute sa famille dans les camps d'extermination), elle abrite le secret de sa judéïté car son époux est légèrement antisémite. Ce couple "fonctionne" à sa manière, en tant que "héros de la révolution, ou de la libération. Mais dès lors que vient l'enfant, la lutte pour la cause est menacée, et Judith devient un fardeau pour Louis qui a épousé une militante, mais pas une femme. Ils éduquent Paule comme si elle était Paul, et l'enfant se construit un monde à part, il est un futur héro, un cosmonaute, un guerrier, il deviendra un homme. Le couple parvient à continuer la lutte pour "la cause" en éloignant Paule le plus souvent possible. Leur "conscience parentale" en paix, puisque l'enfant est nourri et logé, à aucun moment ils ne s'interrogent sur ce que peut représenter l'amour que leur enfant attend d'eux. Paule se réfugie dans son monde imaginaire, elle est Paul, un futur cosmonaute, un futur soldat robuste, un homme en devenir. Puis Paule grandit et Louis et Judith ne peuvent plus lui dissimuler la vérité: elle est une fille. Après 10 années de construction solide sur le mythe du héro légendaire, la révélation des parents fait sombrer Paule dans une forme de démence. Elle recherche Dieu, là où elle peut se rendre, là où elle l'a vu: dans le cimetière. Ses nuits sont hantés par des cauchemars, ses exils forcés de "vacances à la mer" sur une île dont elle ne peut s'échapper nourrissent sa démence, attisent son besoin d'amour et sa loyauté envers ses parents: ils ne voulaient pas qu'elle soit, elle tentera l'impossible pour ne plus être. Abandonnée dans un asile psychiatrique, hurlant et rageant de désespoir, appelant la mort qui elle non plus ne faisait pas grand cas de Paule.
1999: "La Roulette Russe"
Peut-être l'ébauche d'un portrait "vu de l'intérieur". L'héroïne est en guerre contre les hommes (avec un petit "h" et une grosse hache!" - non ce n'est pas un thriller!), au gré de ses rencontres, elle brosse un portrait des hommes, ceux dont la côte d'Adam léguée à Eve leur reste coincée entre les amygdales! Ils sont nombreux! Déçue - c'est un doux euphémisme! - elle se laisse séduire par un incube. Dans son périple, car elle ne sait pas rester en place, il lui faut quitter chaque endroit, elle ne connait pas d'autre façon de vivre "fuir sans qu'il existe un ailleurs sur la terre", elle part à la recherche de l'esprit qui la hante et la poursuit. L'esprit l'invite à combattre des forces d'un autre monde. Mais, elle ne sait pas, si l'esprit est "fiable", si c'est son "idéal" ou son ennemi. Ce doute la ronge jusqu'aux dernières minutes de sa vie, puisque pour triompher, elle doit emprunter la voie de la mort.
C'est dans ce roman que j'ai commencé à insérer des dialogues, et à flirter avec la "fantasy". Le monde qui me réconfortait tant lorsque j'étais enfant m'est redevenu familier lorsqu j'ai entrepris d'écrire "La Roulette Russe". Les descriptions de la nature commencent à évoluer, les liens avec mes racines profondes commencent à se développer, le sang picte qui coule dans mes veines réveille ma conscience!
2001: "La Solitude des Louves" - toujours en cours d'écriture -
Long travail d'écriture et de documentation pour ce 6ème roman. Ma celtitude m'inspire, ma conception du monde y transparait. Epoque contemporaine, une grande île située en europe se trouve "coupée du reste du monde" suite à un coup d'état. Sur cette île cohabitent des natifs très anciens (peuple des anciens clans, payens, qui forment une communauté culturellement et idéologiquement unie), des natifs plus récents (religion de l'église catholique, qui forment une communauté puissante et sont majoritairement présents dans la classe politique et économique dirigeante), des nouveaux venus (émigrés de pays lointains, classe laborieuse, religion autre agitée par le fanatisme). Le premier groupe constitue une minorité, mais les clans détiennent des terres ainsi que des bâtiments situés à des points stratégiques. Ils sont depuis la nuit des temps, entraînés aux arts militaire et à la magie, aux arts et à la transformation de la matière - quelle qu'elle soit -. Leur société est organisée en deux classes : les "civils" et les "chevaliers" Tous les chevaliers sont membres des clans. Le premier niveau de la communauté de l'Ordre est le noviciat, les novices deviennent Lupus, les Lupus deviennent Sages, les Sages deviennent Anciens - il existe plusieurs générations d'Anciens. Lorsque les chevaliers meurent, ils rejoignent les Très Anciens dans leur royaume situé dans un monde parallèle. Les femmes et les hommes tiennent le même rang et détiennent les mêmes pouvoirs. La société des nouveaux natifs est organisée en fonction de la richesse de ses membres, les femmes sont soumises au régime du patriarcat. Cette société puissante veut éradiquer les clans, effacer leur culture et s'approprier leurs biens. La guerre civile qui va se dérouler est organisée par les nouveaux natifs, dont une partie importante de cette communauté sera "le bras armé", ces factions sont les "bleu-marines" (en raison de la couleur de leurs uniformes). Mais la guerre est "déposée officiellement" entre les mains des "miliciens" à la solde des nouveaux natifs. Les miliciens sont recrutés parmi les non natifs, en échange de promesses politiques. Les miliciens sont généralement des hommes, souvent des enfants, leur haine des anciens natifs est profonde et terrible.
Les membres des clans ont conservé leur coutumes ancestrales, telles que la célébration des fêtes payennes, et leur goût prononcé pour: le faste des vieux manoirs, la gastronomie, l'alcool, les drogues qui leur permettent de communiquer avec les Très Anciens, ou de percevoir l'avenir par divination, de guerir les maux les plus variés et les blessures les plus terribles, d'empoisonner leurs adversaires, ou de pénétrer dans le royaume des limbes pour sauver un frère mourrant. Les préceptes de l'Ordre ne permettent pas aux chevaliers de s'unir à un autre humain, mais, toute limite constitue une tentation, et les Anciens manquent quelque peu à ce précepte. L'histoire de l'Ordre et la conscience collective des clans étaient connues de par le monde - avant le coup d'état- à travers les chansons de Janus Nebula, chanteur d'un groupe de rock appelé "Mary Saint". Janus Nebula" était un personnage, non pas une personne, car il était interprèté par de nombreux Sages, hommes ou femmes durant des décennies. Les odes de l'Ordre furent ainsi connues dans le monde entier. Après le coup d'état, il devient impossible pour les gens (de toutes les classes) de vivre comme par le passé: il est interdit aux femmes de travailler ou de sortir sans être acoompagnées de leur chef de famille, l'argent n'existe plus, l'organisation de la société est totalement modifiée. Les chevaliers agissent dans l'ombre et se déplacent en secret, fomentent une révolution, écrassent les miliciens, répondent au coup d'état par un coup d'état et négocient la restitution de leurs terres.
Voici "en gros" la trame du roman. Mais, les personnages et leurs liens particuliers y sont essentiels, les paysages primordiaux, les pouvoirs des chevaliers étonnants, leur langage magique dangereux à prononcer. Ils ne sont pas des "justes", ils peuvent commettre les cirmes les plus abjects, contraindre de jeunes recrues à respecter des commandements qu'ils ont eux-même outrepassés! Ce sont des hommes et des femmes héritiers de coutumes anciennes, vivant sur leur terre à la quelle ils sont rattachés par un lien vital. Ce sont des hommes et des femmes aux pouvoirs magiques dont le seul but est de survivre en conservant leur identité reniée depuis des siècles par le reste du monde. Ils ont survécu aux invasions romaines et les ont mis en fuite à la limite des hautes terres, ils ont survécu à un programme d'extermination qui a duré plusieurs siècles (ce programme ingénieux s'appelle "la famine" et "l'expropriation" ). Ils survivront à cette nouvelle guerre.
LA ROULETTE RUSSE....
X
Je dormais profondément, je rêvais de forêts, d’arbres noueux, de brumes épaisses. Je voyais des paysages s’alterner. La lande, où le vent cinglant bat la campagne à pas de loup.
J’entendais le vent mugir et s’engouffrer entre les buissons ras.
Le chant des oiseaux nocturnes, et j’avais froid.
Le rayonnement de la lune.
J’ai senti mon corps dévasté, le membre du Dragon-Androgyne me pénétrer, je n’en ressentais pas de douleur, je laissais sa force m’irradier.
Son regard et son souffle me rendaient immobile, mon corps flottait sur une mer agitée ; je me laissais emporter au gré de sa marée ; mes reins étaient brisés par le ressac.
Sur mon sein, son souffle devenait une brûlure, une torture, mais je n’ai pas crié, je ne voulais pas le faire fuir. Cette douleur peu ordinaire gagnait mon esprit. J’étais aveuglée de lumière blanche.
Dans mon corps, son orage résonnait si fort, jusqu’à l’évanouissement.
Au matin, mon épaule était meurtrie, endolorie. Je portais sur mon cœur, une croûte suintante, luisante encore d’ivresse.
Je me dirige vers ce recoin « boudoir » de mon antre, où sont entreposées sur un vieux meuble anglais, les potions miraculeuses dont la vertu est de rendre au visage un peu de sa clarté. A peine me suis-je assise face au miroir, les chandeliers fixés sur le cadre s’enflamment. Sur le tain de la glace, apparaissent, tracées au crayon à lèvres, des lettres reliées, en pleins et déliés : Fire
X
Je garde pour toujours et à jamais, ce pentacle incrusté dans ma chair, qui dort, recouvert d’un bout de tissus vert. Parfois, dans les moments de colère, je sens sa chaleur : c’est le talisman du Dragon qui s’éveille.
Je ne peux pas lutter contre cette possession, quand bien même aurais-je l’idée de fuir, à quoi bon, à présent, il est en moi.
Peut-être inconsciemment l’ai-je appelé trop fort, cherchant son regard coûte que coûte. Il possédait mon esprit bien avant d’envahir mon corps.
Et je ne puis rien dire, ni faire, contre son gré, je sais que d’un regard, il pourrait m’embraser.
Mais, lorsque le monde me pèse, lorsque je fuis la réalité, le quotidien ; je rentre dans mon asile, et je le sais présent, où que j’aille.
Sa présence est un don qui m’épouvante et me réconforte.
Il m’emprisonne et me libère ; je sais que je lui appartiens, mais il me donne la force de réaliser mes desseins.
Il me donne la volonté de maîtriser, de dominer, d’asservir de séduire et de détruire.
Je l’ai cherché longtemps, j’écoutais sa voix dans le vent ; je traquais ses yeux dans le feu, lui qui n’est pas humain, qui n’est qu’une apparence, toujours changeante.
Il est le cri du loup, la sensualité de la soie froissée, la douceur de l’aurore, le vent cinglant du nord, le froid de l’aquilon, la brûlure de l’atome ou l’errance de la mort, et bien d’autres choses encore.
Je sais qu’il me guette, ses yeux traversent mes pensées. Le Dragon est immatériel, pourtant, je le sens, il est omniprésent, il guide mes pas, et hante mes rêves.
Lorsque la nuit est claire, je sais qu’il reviendra, puiser des forces en moi, aspirer ma vitalité et mon énergie. Il déposera son poison au fond de mon corps, et de ses yeux brûlants, transpercera mon âme. Il fera de moi une proie calme et douce, embrumera mon esprit et y imprimera son Wilt.
Je ne garderai au matin que son lied sans fin.
X
Je roule, et les kilomètres défilent, je ne vois même plus le paysage. Rien ne m’importe plus à cet instant que d’être le maître de cette machine. Je sens la force du moteur, et sa puissance est la mienne. Je tiens le wheeling plus longtemps, avec l’expérience. Rien ne saurait me caractériser d’avantage que ce besoin, cette absolue nécessité de maîtriser, de diriger.
Tout cela est pourtant illusoire, je suis prisonnière de mon corps et du temps que Dieu me prête. Et, je dois vivre avec ces données, dans un monde dirigé par l’homme masculin depuis l’aube de la création.
Cette réalité harcèle mon âme, me rend parfois insensible à toute poésie. Je ne sais analyser la vie qu’avec un outil à double tranchant : côté paranoïa, côté schizophrène.
Je roule, les gaz à fond, et l’expression de toute ma violence résonne encore trop peu.
Je repense aux échecs, aux luttes que j’ai menées, à cette injustice hasardeuse. A ce que je désirai devenir le plus, étant enfant ; à tout ce qui est refusé ou rendu impossible aux femmes puisqu’elles ne sont pas des hommes.
Je compte bien me battre jusqu’à la mort avec mes armes. Définition sexuelle : indéfinie. Je ne suis pas une femme – je ne le deviendrai pas – Je ne suis pas un homme – je ne le serai matériellement jamais.
Je suis un pédé, largué, sans sexe ; et, ce mal être me trimballe entre la violence et la morosité. J’aspire à la revanche.
Je suis un petit mousse à bord du Potemkine qui vogue sur une mer agitée. Et, le vent souffle toujours du même côté.
Lorsque j’ai le mal de mer, je m’enferme dans la soute de mon âme.
C’est un endroit lumineux qui me protège du monde. J’y entends la voix de l’Ange Exterminateur. Je suis libre d’y être moi-même, et le calvaire de mon humanité s’évapore. J’y vis sans haine, sans libido et sans besoins, c’est l’anti-chambre de l’après-vie. J’y vis à l’abri des regards, et je peux traverser le monde entier.
Mais, il m’en faut bien sortir pour vivre ma vie d’humain, en dehors de l’underground.
Tout s’agite alentour.
Tout a changé autour.
La bulle s’est craquelée, l’air y a pénétré sans que je m’en aperçoive, et d’un seul coup, je me sens propulsée dans un monde inconnu, étrange, insoutenable.
Les humains construisent leur monde par petits groupes, avec leurs règles propres, leurs codes et leurs langages. Internet ou pas, l’humain est et restera tribal.
Le grand bond en avant en est-il à sa phase réfractaire ? Après la dilatation, l’humain se rétracte. L’urbanisation a spolié la poésie, mais une fuite dans les champs lexicaux était-elle possible ?
J’observe le monde qui évolue, les masses qui se séparent comme l’eau et l’huile. La classe des filles et celle des garçons… N’existe-t-il que deux alternatives ? Je croirai bien volontiers à la naissance d’un autre sexe -dégénérescence ou évolution -, où chacun pourrait être à la fois l’un et l’autre. Une génération hermaphrodite, retour aux origines symboliques de l’humain.
Comme j’aime ton corps, tes seins, ta force et ton sourire féroce. La douceur aiguë et féline des corps androgynes.
Je retourne à mon refuge, mon asile de glace teinté de bleu. Non, Simone. Je ne deviendrai pas femme, les dés sont pipés.
Je tends à devenir « point » avec cette violence en moi, cette haine parfois. Nourrie contre les hommes, leur instinct de possession, leur présumée virilité qui remplacerait toutes les qualités.
Je les hais à les briser, à les réduire, à les éconduire.
A leur arracher les ailes comme on le fait aux mouches.
Je rentre dans mon glass-asylum pour y admirer le veau d’or … des images figées, sur papier glacé.
Que la vie soit une fête en attendant la mort ; un soir, où les sons déchirent mes oreilles, où les vibrations percutent ma cage thoracique.
Où la fumée suave m’entête, que l’alcool m’étourdisse.
Que je puisse tout oublier de la réalité :
Les femmes grillagées des Talibans,
Les enfants égorgés d’Algérie,
Les épouses assassinées de l’Inde,
Les fillettes mutilées d’Afrique,
Les prostituées d’Indonésie.
Je danse en transe avec mes semblables, comme une horde déjantée, avec la violence des origines barbares dans mes veines, en toute liberté.
Qu’il n’existe plus rien d’autre que les échos retentissants dans nos têtes, qui nous font vibrer et marcher comme des automates, asexués, insensibles, cuirassés, invincibles enfin.
Il reste la brise fraîche qui glisse sous ma chemise. La nuit que je traverse à grandes enjambées rythmées, jusqu’au matin, où je m’étourdis.
Je marche avec la haine d’avoir parfois laissé naître ou éclore l’amour, d’avoir posé ma tendresse sur des corps ennemis.
Colmater les brèches de ma carapace défaite. Il faut y enfermer les désirs, ceux qui brûlent les veines, le corps et l’âme. Ceux qui font verser des larmes blanches et froides. Ceux qui s’enflamment en croisant un regard, en frôlant une peau.
Il me suffirait d’imaginer leurs probables pensées : l’homme est un animal à cœur froid, un acteur implacable, calculateur et matador.
Un ennemi à abattre. Poison : violent ou insidieux.
Je sais, comme je m’abandonne entre des bras d’humains. L’amour dure si peu, le plaisir est fugace, le temps de quelques spasmes.
Mais j’aime tant l’idée de l’amour, j’aime leur écrire des mots si forts qu’il faut oser les dire. Des chansons qui les heurtent.
Oh, les pauvres amours, comme j’ai su les briser …ils me croyaient conquise !
Comme cela est un jeu, une parodie : c’est bien mon corps, ici étreint. C’est bien moi, le petit mousse que tu déchires et écartèles lorsque mon dos t’est offert. Mais ma douleur est ma victoire, jamais tu ne m’arracheras un souffle de plaisir.
Jouis, ami, prends plaisir, et nourris ma rancœur !
Amant, tu es là ; je te vois ; je te traque. Je peux te charmer jusqu’à l’union. Je sais que je te posséderai, je souffrirai parfois de cette quête difficile.
Je passe près de toi, ton regard en dit trop, le désir se lit sur ton visage, petit sujet humain.
Comme il sera dangereux, ce jeu dévastateur. C’est, je le sais d’avance, à qui de nous deux résistera le mieux.
Je t’offrirai l’arme de ton déclin.
Oh, n’en viens pas à m’aimer si tu tiens à ton âme. Car je t’enfermerai dans ma geôle
Je déverserai des pluies glacées et bleues qui assombriront ton cœur, petit animal.
Je sais que tu auras confiance, tu te sentiras fort, et fier, d’avoir capturé une walkyrie. Et, tu t’endormiras au creux de ton amour, paisible.
Je te briserai l’âme afin que tu doutes de toi même, jusqu’à la mort. Et après encore ?
J’ai besoin de te détruire, amant probable, pour glaner plus de forces, pour retrouver ma rage de vivre.
Il faut bien que tu paies pour ces millénaires d’esclavage.
Il faut bien que tu paies, car tu as détourné mon regard du Sien.
Pour le plaisir que je t’aurai donné en ouvrant la petite porte, car tu ne trouveras pas d’autre mousse.
Pour avoir voulu briser ma carapace afin de sonder mon cœur qui s’y cache.
Pour avoir méprisé mes larmes et mon corps.
J’ai besoin de te tuer, parce que tu te sens trop souvent supérieur, animal phallique.
Il fallait savoir lire dans mon âme et sur ma peau.
Lorsque chaque histoire se termine, tu t’en vas – qui que tu sois – moi, je ne suis pas triste, non ! Je suis libre de nouveau, et plus riche des parcelles de cultures que je t’ai soutirées. La musique revient, les plantes mortes refleurissent. Il insuffle à mon âme vengeresse les mots d’amour les plus chavirants, ceux qui me coûtent mes larmes les plus sincères.
N’as tu pas su en me voyant passer que je ne suis qu’une possédée ? Car le Dragon est en moi, et il te charmera…
Lorsque nos corps s’enchaîneront, ce qui me mettra en transe, ce ne sera, ni la chaleur de ta peau, ni tes coups de reins, ni les mains qui m’étreignent.
Ce qui me rend sauvage, ce n’est pas le poids d’un corps sur le mien, ni son odeur, ni ce visage crispé, ni ces muscles bandés.
Non, rien de tout cela ! Ce n’est que ma propre image que je vois dans leurs yeux.
Car je connais d’autres plaisirs, plus lascifs, plus violents, selon. Je connais d’autres émotions qui font vibrer mon corps, des heures durant. Qui me promènent de la joie au désespoir le plus noir, puis, qui doucement s’estompent et me possèdent entièrement, me rassurent et me bercent, caressent mon âme sans répit.
C’est lui, qui de sa voix, de ses yeux m’embrasse jusqu’à la douleur.
C’est pour le retrouver avec plus de passion que je dois te détruire.
Toi, qui crois détenir Le Pouvoir !
Tu te sentiras pris au piège, bien trop tard, tu n’auras plus qu’à partir.
A ce jeu, non, je n’en ai pas l’air, c’est moi qui place la balle dans le barillet, c’est toi qui presses sur la gâchette. Juste, lorsque je l’aurai décidé.
Tu reprendras ton chemin, qui que tu sois ; titubant.
X
J’ai rêvé de corps broyés toute la nuit.
Il m’appelle avec une voix posée, théâtrale, travaillée pour la séduction comme un représentant en assurances. Sûr de lui :
- « je t’offre un café, tu as un moment ? »
-
Ah, quelle farce, un présent pareil, même la Reine Elisabeth ne saurait le refuser ! Mais, j’y vais, comme au poker, pour voir. Jeu !
Il est là, à attendre en fumant négligemment, comme si la rencontre était fortuite.
- Alors, tu as un problème avec les hommes ? D’habitude les gouines sont moches. Tu sais souvent c’est un dérèglement hormonal, elles ont un système pileux développé et sont plutôt boulottes !
- Ah ? Tu crois ? Je pensais plutôt que c’était cette assurance, tu vois, ce côté hâbleur des mecs qu’elles ne supportent pas. Le genre je pisse debout, je bois de la bière, t’as vu ma bite ça t’affole… tu vois ?
- Tous les mecs sont pas comme ça !
- Excuse-moi, je pensais qu’on était partis pour dire des généralités.
- Et si on allait au ciné un soir ?
- T’as ton permis moto ?
- Non, je n’aime pas la moto !.
- Moi, je l’ai, tu vois, toutes cylindrées, et j’aime ça. Tu sais pourquoi ? Non, tu ne sais pas ! Parce que quand tu mets les gaz, le moteur t’emporte, et ça, tu vois, c’est ma bite à moi !
- Ah, c’est élégant ! Tu pourrais être plus féminine, tu es belle !
- C’est quoi « féminine » ?
- C’est… heu…, délicate, douce. Tu pourrais mettre des robes, je suis sur que ça doit t’aller super bien. Des bijoux, tout ça…
- Tout ça…Ah oui, et puis avec des bas !
- Hum, ouais, c’est très beau.
- Ben voyons, tu sais, le mec qui réussira à me transformer en poupée Barbie ou en sapin de Noël, il n’est pas né, même Merlin n’y arriverait pas !
- Ne dis pas ça, je suis sur que pour un homme dont tu serais amoureuse, tu le ferais. C’est normal, les femmes aiment séduire les hommes, et puis, c’est un jeu excitant la séduction dans une histoire d’amour !
- Eh oui, d’ailleurs, je te comprends vraiment, tu vois, moi les hommes… Ah… tu sais comment je les aime ?. Comme toi ! Non ! Je veux dire, je ressens la même chose, je les trouve beaux, fardés, seyants dans des guêpières et porte jartelles….
- Ah, ah , ce que t’es drôle !
- Très. Je te promets, tu suceras des bites avant que je ne devienne un travelo ! Merci pour le café, faut que je retourne bosser !
Expérience à renouveler, il y a de l’aplomb à briser. Dans le fond du bleu de ses yeux, je vois des failles. Je trouverai bien à appuyer là où ça fait mal !
Ce jeu est dangereux, parfois douloureux, il m’arrive de n’avoir pas tous les atouts dès la première donne.
Je repense à un amour passé « it’s over ». Celui-ci se prenait pour un Duc pathétique et glacé, comprenne qui saura.
Nous refaisions le monde, mais le Mur était entre nous, c’était bien avant qu’il ne tombe. Le plus charnel de nos échanges fut un baiser qu’il me donna avec dégoût et curiosité
« … Je te donnerai des baisers froids comme la lune, et des caresses de serpent … »
Amant improbable, tu m’as crue ton semblable, amour douloureux, plus dangereux qu’une course de speed-way.
Dieu que j’étais mal inspirée lorsque j’ai posé mon regard dans le sien !
Nous nous sommes écrit souvent, longtemps, de longues lettres sur du papier rouge postées dans des écrins noirs. Délires somnambules d’une jeunesse fascinée par le fascisme. Déclarations d’amour brûlantes.
Je crois t’avoir écrit les mots les plus somptueux, les plus violents et déchirants que mon esprit ait pu trouver en ces temps.
Tes réponses étaient plus violentes et plus glacées encore.
Je me souviens qu’il venait dormir chez moi parfois. Nous glissions dans le sommeil, l’un contre l’autre, je ne pouvais que le regarder. Le moindre de mes gestes l’emportait dans une fureur indescriptible, et ses paroles m’ont fait plus de mal que ses gifles.
Je souffrais déjà d’être née dans ce corps de Lorelei, moi qui voulais être marin.
Je me souviens de ses années d’absences, de silences punitifs. Au fond de ses yeux gris, je voyais des glaciers. Un adolescent, une esquisse d’homme, assez bien tracée pour briser les regards, le mien et celui de quelques amants.
Maldonne, parenthèse en enfer, nous étions tous deux damnés, et servions sur le même bateau, le même Kapitaine.
X
L’homme est un loup pour l’homme, pour la femme il l’est bien plus encore !
Mon cœur m’aide à sonder la nature humaine. Le paysage est tâché depuis bien longtemps, la toile est une croûte de sang épais, et de cendres.
Combien de jouissances perverses ont traversé les siècles, combien de corps mutilés, broyés, brûlés, torturés, aujourd’hui encore ? Dans les cas les plus extrêmes.
Dans les moindres, ce ne sont que de petites humiliations quotidiennes.
Comme il est instructif de poser son regard sur ses contemporains, pour comprendre que le Bien est une donnée totalement abstraite, voire soustraite.
Je ne saisis toujours pas quel est cet impérieux besoin, cette parcelle d’instinct grégaire et de peur du vide – ou de la mort - qui pousse les humains à former des couples ; et à s’étouffer les uns les autres, jusqu’à l’asphyxie totale. Le mariage est un duel, un chemin de souffrance et d’asservissement. Un parcours à obstacles, fait d’abnégation, de compromis et de concessions. L’anti-épanouissement, des chaînes plus lourdes à porter que celles des geôles de l’Etat.
Est-ce cela « l’amour » ? Renier sa personnalité, ses folies, brimer ce qui pousse l’être à devenir, jusqu’à ne faire plus qu’Un. Mais lequel des éléments de ce binôme sera le modèle, le but ?
Regarder ensemble le même objet au même instant et tenter de ressentir les mêmes émotions ? Quel avatar de romantisme !
Le désir d’enfant lui-même est enjolivé. Ce n’est après-tout qu’un instinct animal de survie de l’espèce, inscrit dans nos gènes depuis la nuit des temps. Quelle gloire !
Comme je les hais, ces hommes qui exhibent leurs femmes aux ventres ronds. Comme ils sont fiers de la qualité de leur liquide séminal ! Lorsqu’ils sont artistes, certains ne savent représenter la femme qu’en état de fécondation telles les déesses mères sculptées à la préhistoire ; des créatures fécondables, pleines à craquer de vie, réceptacles humains…. Je n’aime que Giacometti !
La femme doit avant tout être désirable, elle doit séduire le mâle. Fashion Victime, tout a été créé pour la parer, la farder jusqu’à ce qu’elle incarne parfaitement les fantasmes des hommes. Animée de la conviction intime, forte, et enracinée dans le moindre de ses neurones, que son bonheur dépend de sa séduction et de sa docilité.
Le regard de l’homme est pour elle un soleil sans le quel elle ne peut exister – en tant que femme -. Jusqu’à ce qu’on la traîne à l’autel comme un bestiau à l’abattoir.
Quelle illusion ! Qu’ils admettent enfin que leur union est une nécessité économique, une norme sociale – aussi médiocre soit elle - . Non, ils s’obstinent à croire à l’amour !
Les couples font acte de cannibalisme intellectuel, ces deux entités rivées l’une à l’autre se supportent coûte que coûte, jusqu’à ce que l’un des deux devienne suffisamment transparent pour « devenir l’autre ».
Dans ce mélange, il n’est question que d’absorption. La femme est asservie.
Oui, c’est ton désir ! Je le vois dans ton regard. Quel bon élève tu fais ! Tu la veux tienne, sa beauté te perturbe – tu auras tôt fait de la gâcher- tu ne veux que la posséder, tu pourras dire :
- c’est MA femme !
Un signe de réussite – l’homme est un chasseur- Elle te servira, docile ; comme la société le lui a enseigné ; et tes yeux se détourneront de l’usure de son corps.
J’ai tant envie de hurler. Votre domination m’oppresse, leur bêtise m’effraie ! Je voudrais couper les paupières au monde entier :
Aux sociétés qui reproduisent et entretiennent l’aberration.
Aux mères qui excisent leurs filles.
Aux pères qui traînent leurs fils au bordel.
Aux mères qui éduquent mal leurs enfants.
A ceux qui remercient leur dieu de ne les avoir pas faits femmes.
Ah comme le monde est bien pensant, propre et heureux !
La femme y vit voilée de la tête aux pieds, que ce voile – virtuel ou réel - la transforme en mère, en nonne ou en putain.
Que ce voile soit de bure ou de satin.
Elle courra toujours moins vite que l’homme qui la suit, les pieds empêtrés dans d’odieuses bandelettes ou sanglés sur des perchoirs d’esthètes.
Elle doit arborer la robe, qu’elle soit trop longue ou trop courte, mais elle devra aimer être exhibée ou cachée.
Je ne souhaite que le chaos et le désordre, j’applaudis aux cataclysmes, j’appelle la tempête, l’apocalypse !
Je te vois, je te reconnais, où que tu sois, Homme, je vais te crucifier à l’envers.
Je veux être un géant, mettre des coups de pieds dans les quilles humaines de ce jeu désolant.
Les religions asservissent l’homme – et la femme bien plus encore-. Ne reste-t-il qu’à espérer un dérapage génétique ? Ou compter sur le colère de Shiva-Kali ?
Je me suis égarée en route, sur cette planète, c’est ici que mes molécules se sont rassemblées. J’attends sur la lande, offerte aux embruns et aux vents sauvages qu’elles se dispersent, en vain.
Parfois, ma révolte m’a conduite sur des chemins illusoires où j’ai mené de mauvais combats.
Parfois, ma haine m’a aveuglée et j’ai suivi bien des tambours à la bataille.
Souvent, je marche sans but, la cervelle ambolisée par la musique, comme mes ancêtres des Highlands, et je me moque des mauvais coups, je n’ai plus peur de rien.
Je flotte dans cet état de semi-démence, je deviens invincible, je pourrais succomber à bien des horreurs. Je n’ai plus un regard humain : je suis une machine de guerre en marche.
Je pense à Solal : les enfants ne m’attendrissent pas, je sais qu’adultes, ils deviendront des hommes avides et des femmes soumises.
Ma violence est une fuite désespérée , la vie en est la limite.
Je veux maîtriser et diriger, je peux bien empoisonner quelques âmes au passage. Je me sens étrangère à ce monde, à la masse humaine. Mais je ne peux détruire que si peu de monde, cela prend tant de temps de briser un être !
J’ai beau avoir vendu mon âme au diable, je ne traverse ni le temps ni l’espace comme un nuage. Je ne sens pas le poids de l’âge, ma vigueur ne se tarit pas, seul mon cœur est exsangue.
Il bat pour le Dragon-Androgyne, c’est en lui que mon foyer renaît, que les cendres se raniment, lorsque son souffle pénètre en moi, et maintient mon esprit en éveil et mon corps en mouvement.
Ce sont ses mots qui s’inscrivent en mon âme, son œil qui veille sur moi, son chant, échappé de ses entrailles guident mes pas.
Il me reste à poursuivre ma lutte.
X
Rendez-vous accordé, j’abas mes cartes. Je sais qu’il pense avoir gagné la partie. Je l’attends chez moi, j’ai préparé un « souper fin », comme sait le faire une « maîtresse ». La sensualité : régal des yeux et du palais, parfums suaves, regards humides et « complices ».
Mais comme il est difficile et blessant d’être mise à nu.
Je n’aime pas ce que mon corps représente dans le regard lubrique des hommes. Ce n’est qu’un véhicule qui me transporte, me permet de voir, d’entendre et de sentir … une commodité terrestre.
J’ai besoin de pénombre, je ne veux pas qu’il me voit ; il fait grand jour.
- Sois gentil, je n’aime pas la lumière.
- Je ne suis pas là pour être gentil !
Erreur fatale, tes mots sont gravés sur mon disque dur. Tu me paieras cette humiliation, de tes larmes. Elles seront amères.
Je n’aime pas ce sexe dressé, c’est une menace, une arme, une désobligeance. Je ne suis pas libertine, je ne suis pas un instrument de plaisir.
Je sais ce qui se passe dans leur tête à ce moment là ; ce désir de posséder, de comprimer ma chair de leurs mains, et de fouir dans mon corps jusqu’à ce spasme débile, durant lequel, les traits du visage se crispent comme ceux des épileptiques.
Je sais ta faiblesse, tu n’es qu’une statue de chair. Pauvre créature !
Ah, la belle récompense ! Voici ce qu’est la féminité : être pimpante comme une vitrine de noël, et brillante et charnue - à certains endroits réglementaires – instruite des savantes recommandations des docteurs ès kama – docile et un peu sauvage.
Ah la belle récompense ! un petit morceau de chair qui enfle et se dresse afin de déverser ce liquide visqueux dont l’homme tire toute sa gloire.
Docile, mais un peu sauvage.
-Attache-moi, bande-moi les yeux, fouette-moi doucement ! Non, plus fort !
-Mais moi aussi, quelque chose me fait vibrer, attends, je reviens !
Je pique, ici et là, je coupe finement la peau, le sang coule lentement. Je m’éloigne, je fume une cigarette, et je rêvasse ; j’aimerais aller à Saint-Pétersbourg. J’écoute un vieux disque qui me réchauffe le cœur, je repense aux descriptions de Dostoïevski. Mais l’homme s’énerve et me sort de mes songes.
Ce jeu là ne l’excite plus, il est faible, et le lit est tâché de sang. Le romantisme et mon disque m’ont fait oublier le temps qui passe.
Je me confonds en excuses, je n’ai pas bien compris le sens du jeu !
- Je croyais que tu voulais juste souffrir un peu, excuses-moi, tu sais, je ne connais pas bien les hommes…, Vous êtes des créatures bizarres !
Quelques insultes, et il s’en va. Enfin seule ! Je retrouve mon asile, l’antre du Dragon et mes rêveries se mêlent à la vapeur d’un thé…
Je ferai l’ingénue chaque fois qu’il le faudra, l’homme préfère se croire plus fin, plus intelligent… Je simulerai l’amour, voire la peine, peut-être même l’affliction. Je dirai oui à ses désirs en feignant d’y prendre goût.
Mais il me faudra taire ma propre vérité, ma personnalité, il me faudra cacher les plaies de l’enfance, mais écouter les siennes, afin de le mieux connaître, pour mieux le détruire.
Il faut taire le nom du Dragon, ne rien dévoiler de sa réalité. Etre une confidente, une oreille offerte et attentive, mais une bouche muette détentrice de secrets.
Etre actrice, le temps de cette relation ; rien ne doit exister en dehors. Me consacrer au texte : le texte, tout le texte rien que le texte !
Mon ego est en hibernation, rien ne doit transparaître, de mes goûts, de mes envies, de mes origines, de ma culture … Amis, écrivains, peintres, musiciens : au labyrinthe !
Cette frustration m’aidera à vaincre.
Donner l’illusion de brûler d’amour… mais renaître de mes cendres, et retrouver le souffle rageur, le force de suivre ma voie ; de nouveau effleurer tes seins
Je suis un Egrégore mais il n’en saura rien !
Je marche dans les rues, j’observe mon prochain. Elle est là l’énergie qui fait aller le monde : dans les regards.
On peut y lire toute l’envie de s’emplir et de se vider, de posséder et d’asservir.
Mon dieu, depuis combien de temps cela dure-t-il ?
Ce n’est pas l’emprise de l’amour, c’est l’envie d’être aimé et servi, d’être dominant.
Plus les humains sont démunis, plus cette envie tourne à la rage.
Les besoins primaires de la vie, se battre pour se nourrir, pour conserver son territoire, pour garder ce qui est acquis – bien matériel ou animal – pour s’accaparer ce qui est à l’autre.
Homme, mon frère, mon semblable…De la poésie !
Mais après les nécessités, viennent les quêtes d’autres richesses : argent, gloire, pouvoir, renommée, respect, honneur…
Valeurs absolues. La quête des conquêtes. Oui, posséder un être humain est une quête… licite dans le mariage, illicite dans l’esclavage. Question d’échelle ou de nombre, tout cela n’est qu’une question mathématique !
Mais l’esprit est bien le même. Question de culture, tout cela n’est que littérature !
Les simples satisfont leur besoin animal, s’excitent dans la femme et s’y vident. Les autres y trouvent un Graal assez esthétique pour y déposer le fluide magique issu de la déité de leur sexe durant une rencontre avec le divin,. Orgasme intellectualisé.
Quelle belle différence ! Le plus poète d’entre eux considère son sexe érigé comme un hommage à la beauté séduite.
J’ai tant vu d’images atroces de la guerre du Viet Nam, pourtant, parfois, j’aimerai que mon souffle soit chargé de napalm.
Et, je suis seule pour les détruire tous.
J’ai trop souvent l’impression de vivre sur le plateau de tournage de Freaks. La réalité est désolante, le monde est criminel, mais il ne s’agit pas de meurtres ; il s’agit d’agonies, de lents étouffements.
Le monde met du temps à changer. Oui, je hais les hommes, comme certaines populations en exècrent d’autres ; je veux les arracher de la terre comme des orties.
Mais ce sentiment n’est pas prévu dans le vocabulaire des humains.
Je suis Misandre, et ce nom me va bien.
X
Rendez-vous avec un humanoïde terrestre de sexe masculin.
- Hello ! C’est quoi ce genre aujourd’hui ?
- Aujourd’hui, c’est l’armée de terre !
- Ah ! Et des fois c’est la marine nationale ?
- Ca arrive, tu connais Querelle de Brest?
- Non…
- Je vois. C’est un marin, un personnage de Genet.
- Ah ! c’est un pédé !
- A Puppet Dancer !
- Tu sais, je ne suis pas homophobe, du moment que je ne me sens pas agressé.
- Ne t’inquiète pas, je préfère les filles !
- Ah, et ma copine, tu la trouves comment ?
- Hum… à ton image, elle ne ressemble pas à mes rêves !
- Tu préfères les filles, mais avec les mecs, ça va quand même hein ?
- J’ai beaucoup d’amis…
- T’es une fille moderne quoi ?
- I’m a modern guy !
- Et une soirée à trois, ça te dirait ?
- C’est à dire ?
- Tu viendrais chez moi avec ma copine, et on pourrait…
- Ah ! « On pourrait ! » et tu ferais quoi toi ? Le thé ? La lecture ? Du vent avec des feuilles de bananier ?
- Non, j’aimerais bien regarder deux filles ensemble, et je vous rejoindrai après, je verrai bien laquelle des deux fait le mec !
- Ah, je vois ! tu aimes le théâtre ! Mais dis donc, pour un mec qui se veut ouvert, de gauche, progressiste und so weiter, tu as des idées bien has been ! Tu crois ça toi ! Deux filles entre elles, il y en a forcement une qui fait le mec! Comme si l’homme était une donnée indispensable, une nécessité érotique ! La complémentarité est une fable ! Une loi phallocratique ! Tu crois que deux filles entre elles ne font que s’exciter pour désirer un homme enfin ! Un mec, fier de lui, de cette chaire disgracieuse ! Ah ! ça te fait bander un mec toi ?
- Non !
- Tu vois, tu comprends. Moi non plus !
- C’est pas pareil !
- Non ! D’ailleurs, ce qui est mauvais pour toi doit être bon pour les autres ! Je te présenterai volontiers un pote, Axel, c’est un allemand, bien bâti, lui aussi, il aime la marine. Tu pourras toujours t’accrocher à son mat !
- Ah, t’es vraiment dégeu ! Tout ça c’est de la provocation, et rien d’autre, tu sais bien que les femmes et les hommes sont comme deux moitiés d’une pomme.
- Monsieur donne dans la métaphore ! Une pomme, oui, bel exemple, original, et pas biblique pour un sou ! Très progressiste ! Et… de quel côté est le ver dans ce fruit ?
- Réponse à tout, hein ? Il faudrait bien un mec qui te mate un jour!
- Quel jour sommes nous ? Bientôt le millénium, merde alors ! Et les humanoïdes sont toujours aussi primaires ! Ou tu es un cas particulier ? Qu’est-ce que tu crois ? Que ton sexe est un pilier du Temple de Salomon ? Le mien, c’est un fusil d’assaut, je recharge quand je veux, et je peux bigorner à tous les coins de rue !
- T’es agressive, c’est pourtant vrai, c’est souvent le cas des filles mal baisées !
- Va savoir pourquoi les minorités opprimées se révoltent contre ceux qui les maintiennent sous le joug ? Sans doute ne reçoivent-elles pas assez de coups de fouet ?
- Tu te mêles de politique aussi ?
- Tu crois que l’être humain n’a un cerveau complet que lorsqu’il est couplé à un phallus ?
- Tu ramènes tout au sexe, ça te manque tant que ça ?
- A court d’arguments ? Fuyant, grossier, Goddam ! Voilà bien un homme !
- Tu sais, faut être réaliste, tous les grands sont des hommes, que ce soit dans le milieu artistique, politique, scientifique – même les tâches habituellement féminines- regarde : les grands couturiers, les grands chefs cuisiniers… Il y a tant d’exemples…
- Merci de me rappeler la réalité ! Vous êtes des envahisseurs, c’est l’occupation, je suis en résistance. Vous êtes aussi des usurpateurs ! Hein Camille ? Hein Colette ? Et lorsque la femme fait preuve de talent on lui refuse la « maternité » de son œuvre. Comme Carson Mac Cullers qui n’écrivait plus lorsque son mari était sur le front, tout le monde disait : « Vous voyez bien que c’est son mari qui écrit, depuis qu’il est parti : plus une ligne ! » Mais les femmes ont réussi à faire leur place malgré les barrages, ce n’est qu’un début, il y en a qui sont de meilleurs guerriers que les hommes !
- Ah, si c’est pour faire les mêmes saloperies ! Ca vaut le coup de lutter, on a vu Tatcher à l’oeuvre !
- Très fin , mais cela ne me choque pas !
- Tu sais pourquoi le droit de vote ne vous a « été accordé » que si tard ? Parce que les progressistes savaient que les femmes obéissent à l’église et à des idées reçues conservatrices, qu’elles n’étaient pas libres dans leurs têtes, pas prêtes, et que leur confier un bulletin de vote aurait complètement faussé les scrutins !
- Et oui ! Alors que les hommes étaient tous instruits et assez cultivés, objectifs et sensés ! Et surtout, cette part de privilège leur aurait échappée, et le pouvoir, c’est fait pour les hommes n’est ce pas ? Les femmes ne servent qu’à faire la soupe au besoin à la servir sur les barricades !
- Chacun sa place non ?
- Naturlisch ! Et la tienne … Ach ! que Lilith me ronge jusqu’à la moelle, la tienne c’est en enfer !
- Tu vois, les femmes et la religion !
- Non, il ne s’agit pas de religion, tu sais, l’enfer, il est sur la terre, ça peut aussi être dans ta tête… c’est ce que je souhaite !
- Ecoute, il faut bien reconnaître, et tu peux le constater chez certaines populations encore aujourd’hui, que le rôle de l’homme, de par sa constitution, est d’assurer la protection des siens, de faire la guerre, de chasser. La femme s’occupe de l’intérieur, l’homme de l’extérieur, et c’est l’harmonie.
- L’harmonie pour qui ? La protection des siens ? Qui donc lui appartient ? Progressiste hein ? Ca a toujours été, et cela sera toujours ? Bonnie suivait Clyde ? Il n’y aurait pas d’autre schéma ? Quel esprit limité ! Remarque, je n’ai jamais vu un riche souhaiter devenir pauvre, un chat devenir souris, un homme devenir femme… A part quelques esprits éclairés du nombre de mes amis ! Nous sommes vraiment trop différents pour être en harmonie. Le combat n’est pas à son terme, nous sommes deux peuples, hermétiques l’un à l’aure. Et, tu sais, dans la nature, il existe des exemples de règne matriarcal !
- Mais tu aimes bien quelques hommes, j’ai vu ta bibliothèque, des photos, tout ça…
- Ah oui, ce sont des mutants, des hommes intelligents ! Certains sont raillés, voire interdits de publication !
- A tu fais allusion à des tarés, ou à un certain dont le pays a honte !
- Non, celui là c’était un humaniste pacifiste, il a su décrire ce qu’était vraiment l’homme. Et l’homme, ça lui a pas plu, alors il a crié au loup, il a crié au traître !
- Et les musiciens ?
- Tu as mal regardé, il y a beaucoup de filles qui ont la rage aussi !
- Et d’autres artistes ?
- Tu connais Camille Claudel ?
- Ca fait peu d’exemple !
- Oui, dans le passé on ne laissait pas les femmes exprimer ce qu’elles avaient au fond d’elles mêmes, et pour cause ! C’était une telle répression, les asiles d’aliénés étaient remplis de ces femmes. Elles ont toujours représenté un danger pour l’homme, il l’a compris très tôt , et a très bien su gérer cette affaire. Voilà où nous en sommes, et une harmonie n’est plus possible après tant de siècles d’asservissement.
Etre soumise ou vaincre, être une brebis ou un loup, une maîtresse ou une furie. Tu sais très bien qu’il n’y a pas d’équité, c’est un partage de pouvoirs, de territoires, de savoirs ! Cela durera tant que l’homme aura le désir de dominer, et c’est dans la nature humaine alors… Je n’y crois pas, la terre aura vu son apocalypse avant. Et si on s’entretue, j’espère que ça sera très sanglant !
- Tu es vraiment fêlée !
- Dans mon langage, on dit lucide ! Tu sais, il n’y a pas de secours dans la religion. Les hommes ont dressé des églises afin que l’ombre des monuments les écrase. Nous sommes bien loin de la spiritualité, il est ici encore question de pouvoir et d’asservissement. Il n’y a guère que Shiva qui soit une guerrière démoniaque. Je suis allée aux fins fonds de l’Inde, et je n’ai pas vu que les femmes y avaient un sort enviable, à part chez les Sikhs peut-être! Alors il ne reste que le choix des armes.
X
Ce pantin m’a énervée, je finirai par le briser.
Je rentre chez moi, et je caresse mes livres, je fais brûler de l’encens, je perpétue mes rites. J’invoquerais bien parfois quelque démon pour qu’il m’aide à poursuivre, mais je veux croire en ma force. Je sais que l’être humain est complexe, je sais que je ne suis pas uniquement un chien de guerre en marche, je connais mes faiblesses.
Mais au creux de mon asile, où seuls mes semblables me suivent, je peux poser mon armure, mon sabre et mes poisons et mes gants.
Parfois, devant le miroir, j’ai l’impression d’habiter un corps étranger dans lequel je me sens emprisonnée. J’ai beau le modeler, cela ne change rien. Il me semble que mon esprit et mes yeux sont enfermés dans une forteresse de chair. Et ce n’est que ce corps que j’incarne qui existe aux yeux du monde qui m’entoure. C’est ce corps que l’on juge, que l’on désire ou que l’on rejette.
C’est lui que le Dragon appelle, et qui respire si fort. C’est lui qui tremble quand le cœur espère. C’est lui qui a froid dans la forêt la nuit. Ce sont mes mains qui tracent sur du papier d’ardentes prières sans fin ; qui jouent des mots secrets et des signes de mystère. Ce sont ces mains, enfin, qui écrivent ce que les autres espèrent et attendent : ces mensonges passagers faits aux amants humains.
« Tu es venu vers moi, plus fort que le vent, Köenig, je t’espérai au cœur de mes nuits froides. Enlèves-moi au delà des cieux, rejoins moi et je te suivrai… »
Comment ont-ils pu croire une seule seconde à ma sincérité ?
Quelle vieille recette, cette romance, ce besoin de puissance !
Oui, j’ai été sincère ; oui, ces mots sont les miens ; ils ne sont pas destinés à des humains !
Je suis à la fois moi, et mon double, mon double immatériel, mon esprit sacrifié à l’Esprit.
Il n’a rien de rassurant, ses traits ne sont pas ceux d’un ange, sauf lorsqu’il se montre au grand jour.
Sa face est menaçante, d’une beauté inquiétante et sévère. Son regard est trop vif, trop brillant, trop froid. Il est le félin, il est l’aigle ; il peut prendre toutes les formes, toutes les apparences. Il est un serpent, un ours carnivore, le vent, la pluie glacée, il est le Dragon, le Chevalier, la Femme Sublime.
Je ressens la terreur, mais depuis toujours il m’attire. Etait-ce une course vers ma propre perte, un romantisme ancien, un mythe qui se réveille.
Je sais que toujours, il me regarde et me surveille. Mon corps est son domaine, l’énergie de mes sens et la puissance du désir sont la fièvre qu’il m’inspire.
X
Je me suis attablée à l’intérieur du bar, au fond de la salle, à l’abri. Il neigeait, les flocons rendaient l’air opaque et trouble. Le ciel était mauve.
Au cours de ma lecture, j’éprouvai peu à peu une gène, un malaise superficiel. Cela n’était pas du à la luminosité inhabituelles. Je me sentais de plus en plus oppressée.
Quelque chose derrière moi provoquait cet étrange état. Je me suis retournée. Un homme très âgé lisait ; une longue mèche de cheveux tombait sur ses yeux. Il portait des gants, le bord de son chapeau ombrait son visage, ses lèvres étaient d’un pourpre éclatant. Quelque chose de dérangeant émanait de lui, d’indescriptible.
Il a levé la tête, j’ai croisé son regard glacial. Il s’est levé, et s’en est allé.
Je l’ai suivi, son allure m’intriguait. Ce n’était ni de la curiosité, ni de la témérité. Je savais de manière inexplicable qu’il me fallait le suivre.
J’éprouvais pourtant une certaine culpabilité à marcher sur ses pas dans la neige, à suivre un inconnu. Je désespérais de le voir disparaître. Je voulais lui parler, de n’importe quoi, de peinture, de musique, de magie, je ne trouvais pas les mots.
J’ai posé ma main sur son épaule.
- Monsieur, s’il vous plait….
J’étais figée, bouleversée par ce geste insensé, par ma maladresse et mon audace.
Il s’est retourné, lentement. Je me sentais si mal, glacée d’effroi. J’avais envie de fuir à toutes jambes mais je ne le pouvais.
Il m’a regardée, dévisagée pendant quelques siècles, la neige tombait dans mes yeux. Il a pris ma main sans dire un mot ; et je l’ai suivi.
Le temps semblait décalé, mes gestes étaient peu surs. Nous avons marché longtemps il me semble, longeant la Seine, je pensais sans cesse… « Je suivis ce mauvais garçon, nous semblions entre les maisons » …
Il était sûrement Pharaon.
Nous avons gravi les marches d’un vieil immeuble. Il a ouvert la porte d’un appartement ; m’a fait signe d’entrer.
La pièce était sombre, des toiles entassées en désordre, une table immense, des livres empilés, une odeur de peinture, de poussière, un étrange parfum, doux et entêtant.
Je regardais les peintures, je l’entendais s’approcher.
Il était près de moi, contre moi, avec moi ; et j’étais dans ses bras. Son âge ne me dérangeais pas, je n’éprouvais aucun mépris, aucune haine ; je n’avais en tête aucune idée de vengeance ou d’ironie.
Nous étions réunis, unis.
Il était gracile et doux, sa peau appelait la mienne.
Il est entré en moi comme le vent par la fenêtre.
Mes yeux étaient rivés aux siens ; son étreinte était puissante. Son corps souple s’arc boutait sur le mien. Il n’avait plus d’âge, tantôt vingt, tantôt cent.
Son visage n’était plus celui d’un vieil homme, il changeait et changeait sans cesse, seuls ses yeux demeuraient identiques.
Dans l’extase, je l’ai vu se figer, son regard statique était profond, intense. Une légère brume bleutée enveloppait tout son être. Ses reins se creusaient, ses mains se crispaient sur mes épaules, jusqu’à ce qu’il se projette en moi avec une violence inouïe en saccades déterminées.
Son image s’est dissipée, un voile flou m’empêchait de le voir encore.
Le froid m’a réveillée, j’étais seule dans le vieil appartement délabré. Par la fenêtre, je voyais le ciel, il était mauve encore, il neigeait toujours.
J’ai repris avec hâte mes vêtements, je suis partie, la porte ne fermait pas, il n’y avait pas de serrure.
Commentaires